La Pépinière de la solidarité est un dispositif façonné par l’engagement de tous ceux qui s’y impliquent. C’est autour de cet engagement que Frères des Hommes a organisé les journées AVEC ; cinq jours d’expression du collectif de la Pépinière, en présence de partenaires internationaux, nationaux, de Pépins et de tuteurs.
« Transformer l’énergie individuelle en énergie collective »
Pourquoi avoir créé la Pépinière ? Luc Michelon, président de Frères des Hommes et Yves Altazin, directeur, reviennent sur la vision de la société française portée par l’association : « La société est de plus en plus orientée vers un individualisme croissant tandis que les valeurs du collectif sont mises à mal » rappelle Luc Michelon. Dans ce contexte, la Pépinière cherche à « transformer l’énergie individuelle en énergie collective. » Ce même défi, les partenaires le rencontrent dans leurs propres pays. C’est justement ce dont témoigne Mulaire Michel, coordinateur de l’équipe technique au sein du MPP (Mouvement paysan Papaye) en Haïti : « Au Sud, nous faisons le même constat. Ce qui domine le monde aujourd’hui, c’est le Moi. Pour nous, acteurs de la société civile, il est urgent d’agir pour remplacer le Moi par un Nous. »
C’est dans ce cadre que s’inscrit l’action de la Pépinière : créer un « nous » capable de dépasser les barrières, à travers l’accompagnement des pépins par les tuteurs. Les partenaires internationaux qui accueillent les Pépins jouent un véritable rôle aux côtés des tuteurs dans cet accompagnement. Et tous, dans leur pays, ont accompagné ou accompagnent déjà des jeunes (ou moins jeunes). Au cours de la 1ère journée AVEC, ils ont eu à partager leurs expériences, comme Magorie Saint Fleur, formatrice au MPP : « Après une formation, une jeune fille est venue me voir pour me remercier. Grâce à cette formation, elle avait trouvé un nouveau sens à son parcours personnel et aujourd’hui, elle forme elle-même des groupes de jeunes. »
Connaître l’autre au-delà des stéréotypes
Le lendemain, à travers un jeu de rôle, le partenaire devient Pépin, le tuteur devient partenaire et vice-versa. Transformés en acteurs, les participants jouent des personnages parfois caricaturaux mais susceptibles de faire émerger les craintes que l’on partage derrière les sourires et les plaisanteries. Ainsi, le Pépin improvisé partenaire refuse fermement l’aide du « français impérialiste », tandis que le partenaire qui prétend d’être un Pépin ne prévoit pas de consulter la population locale ni de la faire participer dans la réalisation du projet.
Au centre de ces journées AVEC, il y a eu aussi l’élaboration de « fiches actions » où sont formalisées les différentes activités qui seront proposées aux Pépins. Ce travail, mené avec les partenaires a été l’occasion pour eux de revenir sur leur motivation dans l’accueil de Pépins. Ahmadou Fall, membre de la Kora-PRD au Sénégal, témoigne : « Ce qui nous pousse à participer à la Pépinière, c’est faire grandir la motivation qui anime le Pépin. On se dit que c’est aussi l’expérience de notre ONG sur le terrain qui va déterminer son engagement futur. » Pour Mulaire Michel, membre du MPP en Haïti, il est aussi important d’évoquer les actions que mènera le porteur de projet à son retour : « Pour nous, recevoir un Pépin va créer une visibilité sur ce que nous faisons. A son retour, il pourra servir d’ambassadeur et partager son expérience avec d’autres. » Avoir un impact sur la société à travers un changement individuel : c’est ce que les partenaires internationaux viennent chercher dans la Pépinière.
La Pépinière : un espace d’expression du projet associatif de Frères des Hommes
Pour conclure ces journées AVEC, c’est le collectif de Frères des Hommes qui se retrouve le temps d’un weekend autour du projet associatif de Frères des Hommes. Administrateurs, secrétariat permanent de l’association, partenaires internationaux et français, tuteurs et Pépins vont débattre des principes et valeurs qui le composent. Avec les interprétations de chacun.
Un premier atelier propose de traduire dans différentes langues les mots clefs tirés du projet associatif de Frères des Hommes. Par exemple, « engagement » en Wolof se dit « paspas » comme nous l’apprend Babacar Wade, membre de l’ONG Kora au Sénégal : « C’est une forme de détermination, cela signifie entrer et ne plus sortir. On utilise ce mot comme un objectif, une mobilisation des forces. » Toujours pour partager le projet associatif, un jeu de Time’s up est organisé où, chacun à son tour, est invité à mimer un mot-clé au cœur du projet. La variété des interprétations saute aux yeux.
Un atelier de « photo-langage » propose aussi de sélectionner et de partager avec les autres des images incarnant les visions de chacun de la citoyenneté. Pour certains c’est exercer son droit de vote aux élections, pour d’autres elle se rapproche de plus en plus des mouvements sociaux comme « Nuit débout ». L’atelier de Mind-map invite les participants assis en cercle à évoquer librement leur vision idéale de la société. Enfin, un dernier atelier permet aux personnes de se (re)présenter via des dessins exprimant ce qui les caractérise et ce qui les relie à Frères des Hommes. Ce qui en ressort, c’est cette vision des participants d’interconnaissance et de connexion. A l’issue de la journée, les dessins sont toute une fresque qui forme le visage de l’association.
« Il n’y a pas de chemin, le chemin se fait en marchant »
Une phrase d’Antonio Machado, poète espagnol, citée par Davis Morante, directeur-adjoint à Cenca (Pérou), résume bien ces journées AVEC : « Il n’y a pas de chemin, le chemin se fait en marchant ». Les journées AVEC n’ont pas servi à établir un chemin mais elles ont mis en lumière que la volonté de marcher, de faire, et d’accompagner ensemble la volonté d’engagement citoyen, est bien présente et rassemble tous les acteurs de la Pépinière.