Arrivant au terme de mon service civique à la Pépinière de la solidarité internationale, je décide de questionner ses acteurs sur leur construction d’une pensée politique à travers la Pépinière et en dehors. Car finalement, qu’est-ce que la Pépinière si ce n’est une étape importante dans la construction de son rapport à autrui ?
Pour moi la pensée politique c’est se rendre compte que dans le monde il y a des oppositions, des luttes, des problèmes, et c’est identifier quels en sont les acteurs, « qui est contre qui », qu’est ce qui s’oppose à quoi, c’est démêler tout ça selon moi. Je ne dis pas qu’il s’agit de prendre parti dans des luttes, mais plutôt identifier les luttes qui sont en place.
« Ça m’aide à voir jusqu’où on peut aller par engagement »
La question que j’essaie de résoudre actuellement, c’est à savoir s’il faut identifier les luttes plus qu’y prendre part. Je te parle du cadre actuel parce que c’est brûlant, mais je me donne l’impression d’être une politisée passive, dans le sens où je participe et m’interroge aux assemblées générales étudiantes et aux manifestations car j’ai besoin de m’informer et de faire ma propre opinion, identifier des solutions que d’autres proposent ; mais moi-même j’ai du mal à prendre part directement au dialogue.
Je me dis que pour agir, il faut se laisser aller par pulsion à un moment donné, sinon je réfléchis trop. Si on attend d’avoir construit notre avis de A à Z pour agir, on peut attendre toute une vie. Le problème c’est que j’ai besoin que quelque chose soit juste à 100% pour m’y impliquer, sauf que c’est rarement le cas.
« Ça a construit doucement notre rapport à l’international mais aussi notre conscience politique »
Le projet Pépinière, nous l’avons lancé surtout pour la dimension agriculture paysanne à l’origine. On ne savait pas particulièrement où aller, mais nous avions l’idée de participer à un projet agricole solidaire, pas humanitaire. Très vite, pendant que nous étions à Meckhé (Sénégal), on se posait beaucoup la question de notre légitimité, notamment à travers notre manque de qualification par rapport à d’autres. Le besoin de construire ma pensée par rapport à ça a vraiment émergé à ce moment-là, sur la place que l’on peut prendre à ces endroits, si on doit en prendre une et de quelle manière. C’est une question intéressante et compliquée, qui s’est encore plus accentuée au retour.
L’idée que l’on avait, c’était qu’en France on manquait de capacité d’adaptation de par nos problèmes plus latents et peut-être moins aigus que dans certains pays en développement. Eux avaient développé ça, pour s’adapter constamment à de nouvelles conditions, ça nous semblait très intéressant d’échanger là-dessus, on avait beaucoup à apprendre. C’est ce qui a fait que le projet a marché, se rendre compte de cette bilatéralité, et ça a construit doucement notre rapport à l’international mais aussi notre conscience politique.
L’intérêt d’un dispositif comme la Pépinière, de ses mécanismes, c’est de mettre en perspective notre relation à l’aide, à l’envie d’aider, d’échanger, et ça nous questionne sur les différentes manières de le faire et la façon dont nous, individu, avons envie de le faire, et comment dans le collectif.
L’UGPM (Union des Groupements Paysans de Meckhé, au Sénégal) est un exemple de dispositif qui par à-coups a réussi à faire remonter des problématiques jusqu’au gouvernement. Par l’information, l’échange, le débat et des positionnements. A travers plein de jeux d’échelles. Il y avait plein de membres qui faisaient partis de partis politiques différents, c’était super intéressant à observer, c’est vraiment une micro-société !"
Interview par Hugo Corbé, service civique chargé de communication à la Pépinière.